Né aux Etats-Unis, le jazz est devenu un genre incontournable qui a métamorphosé le monde de la musique. Il a voyagé dans le monde entier, et a influencé de nombreux artistes. Des noms comme Louis Armstrong, Miles Davis, John Coltrane ou Duke Ellington évoquent forcément quelque chose au grand publique. Cependant des noms comme Ryo Fukui, Hiromi Uehara ou Yasuaki Shimizu peinent à paraître aux yeux de tous. Le Japon a de son côté développé une scène jazz très importante, au point de devenir un genre à part entière, attirant maintenant les amateurs à l’international.
La naissance du jazz japonais
Les débuts du jazz au Japon remontent à partir des années 1910. Il a commencé à s'exporter avec les visites de groupes d’Amérique et surtout des Philippines avec l’arrivée de nombreux paquebots de luxe qui traversent le pacifique. Sur ces navires
se retrouvent généralement des orchestres, profitant des nouvelles lignes touristiques pour jouer dans le hall des hôtels. La Philippine était alors une colonie américaine, d'où l'influence musicale qui a déteint sur eux. Ces derniers apprenaient le jazz et jouaient dans des orchestres à Kobe, Osaka, ou même plus loin en Asie à Shanghai.
Dans les années 1920 commence à émerger le jazz japonais à échelle locale dans les quartiers de divertissement prospères d’Osaka et Kobe. En 1923 a lieu le Grand tremblement de terre du Kantô, poussant de nombreux musiciens à fuir de la capitale vers la région de Kansai. Une grande partie de la scène s’y est alors développée avec la naissance des premiers groupes comme Laughing Star.
Des maisons de disques ouvrent des filiales au Japon qui émettent un grand nombre d’enregistrements jazz. Selon Taylor Atkins, auteur de “Blue Nippon: Authenticating Jazz in Japan” , le jazz « devient la musique des jeunes, des citadins, de la classe moyenne ou de la classe moyenne supérieure qui ont accès aux phonographes, à la dernière mode, qui vont dans les cafés, achètent des disques, écoutent à la radio, aller dans les salles de danse, aller au cinéma, aux événements sportifs. »
«C'est l'un des nombreux divertissements dits modernes à leur disposition. Et ils ont une très forte conscience de participer à ce qu'ils croyaient être une vague ou un mouvement culturel mondial. »
Les premiers artistes reconnus
Des artistes émergent mais le premier à se faire connaître à l’international est Fumio Nanri. C’est un trompettiste surnommé “Satchmo of Japan” par Louis Armstrong. Il fait ses débuts dans plusieurs groupes comme Takashimaya Shōnen Ongakutai à Kobe puis dans celui d’Ichiro Ida lorsqu’il s’installe à Tokyo en 1928. Il part aux Etats-Unis faire carrière en 1932. Il s’y fera un nom et jouera aux côtés des plus grands comme Louis Armstrong et Clark Terry.
Mais c’est lors de cette ascension du jazz, le gouvernement est devenu de plus en plus résistant à sa montée en popularité. En 1927 les autorités de la ville d’Osaka décident de l’interdire, le voyant comme une représentation des valeurs américaines et de leur invasion sur le sol japonais. La plupart des musiciens ont donc migré vers la scène à Tokyo, faisant d’elle la plus importante. Face à cette résistance, dû à un mouvement nationaliste, des compositeurs essayent de créer un jazz typiquement japonais l’alliant chansons folkloriques tout ça sur un contenu thématique sur le pays du soleil levant. Malgré cette opposition, en 1933, est né Chigusa, le premier jazz café du Japon à Osaka. Ce fut un grand pas car il devint une alternative populaire aux salles de danses.
Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, Etats-Unis et Japon étant du côté opposé, toute forme de jazz était considérée comme “musique ennemie”. Cependant, avec la fin de la guerre, la scène jazz japonaise a finalement explosé. De nouveaux artistes émergent comme la pianiste Toshiko Akiyoshi, qui fut rapidement remarqué Oscar Peterson et connue un succès mondial.
L'abondance musicale
La fin des années 50 a alors rythmé la scène japonaise puis durant les années 60 et 70 la scène free jazz a atteint son essor. L’abondance de nouveaux artistes connues à l’international a mené l’ascension de personnalités comme le guitariste Masayuki Takayanagi, le saxophoniste Kaoru Abe ou même le bassiste Motoharu Yoshizawa.
La naissance du Jazz Fusion n’a pas échappée à l’archipel et a conduit aussi à l'ascension d’un grand nom de la scène: Masayoshi Takanata. Avec ses albums Seychelles ou Brasilian Skies, il a bercé le jazz au rythme endiablée de sa guitare.
D’autres groupes avec des albums moins connues sortent et en voici une sélection non exhaustive:
Scenery - Ryo Fukui 1976
Casiopea - Casiopea 1979
Nio and Pigeon - Toshiyuki Miyama & The New Herd 1972
High-Flying - Hiromasa Suzuki 1976
La scène actuelle
Ces années ont été un tournant majeur, faisant de la scène jazz japonaise un lieu innovant. Elle a été étendue pendant plusieurs décennies conduisant à l’élaboration d’artistes toujours plus talentueux. Et c’est là que nous venons à la naissance d’une grande artiste: Hiromi Uehara.
Née à Hamamatsu en 1979, elle commence le piano à l’âge de 6 ans. A 12 ans elle joue déjà dans des orchestres de prestige. A l’âge de 17 ans elle monte sur scène avec la légende Chick Corea à Tokyo, alors qu’ils se sont rencontrés la veille.
En 1999 elle part en école de musique aux Etats-Unis où elle rencontre une autre légende, Ahmad Jamal qui deviendra alors son mentor. Son ascension est par la suite très rapide, en sortant son premier album Another Mind en 2003 qui fera forte impression dans la communauté jazz.
Accompagnée d’Anthony Jackson et de Simon Phillips, elle forme un groupe qui va enregistrer quatre albums. Son talent va alors se faire entendre dans le monde entier. Hiromi fait du piano sa muse et nous ne pouvons que nous incliner face à cette énergie.
Certains considèrent actuellement la scène japonaise comme une des plus importante pour le jazz actuellement. Elle aura évolué au cours de l’histoire en combattant la censure et en laissant la créativité de l’archipel s'exprimer. Elle est dans l’ombre des Etats-Unis mais elle compte bien continuer à faire parler d’elle dans les années à venir.
Sources:
Le jazz Japonais c'est vraiment une dinguerie